lundi 7 décembre 2009

Les dépôts institutionnels menacent-ils la propriété intellectuelle des œuvres des chercheurs

Dans le cadre des élections au Conseil d’administration, certains académiques ont exprimé leur préoccupation de « continuer à conserver la propriété intellectuelle de leurs œuvres, en particulier de leurs publications », avant de s’interroger sur « les limites aux droits des auteurs » que pourraient entrainer « les initiatives prises par l’Université dans ce domaine, comme le dépôt institutionnel et les négociations avec les revues » (*). Ces interrogations légitimes appellent deux réponses.

The wild, wild web
Le Times Higher Education du 19 novembre 2009 se fait l’écho d’une analyse menée par la British Library de 100 contrats d’éditeurs scientifiques : 47 d’entre eux n’autorisent pas les pratiques de fair use, légales dans le monde anglo-saxon, qui accordent des exceptions au droit d’auteur pour des usages de recherche et d’enseignement. Le monde de l’édition électronique est entièrement régi par la règle du contrat (alors que la loi fixe partout les limites et les prérogatives du droit d’auteur pour les publications sur papier).

Ces contrats, en échange du privilège d’être publié, dépouillent fréquemment les auteurs de tout droit numérique ultérieur sur leur œuvre, en attribuant une licence exclusive (et parfois perpétuelle…) à l’éditeur. Ces pratiques permettent aux éditeurs de réaliser des profits substantiels … sans aucun retour financier pour les auteurs ou pour les organismes qui subsidient leurs recherches. Il est urgent que le droit applicable à la publication électronique passe de l’univers du contrat privé entre des parties inégales (l’auteur face à l’éditeur) à celui du droit !

Une licence non exclusive
L’Université libre de Bruxelles, dans le cadre de son dépôt institutionnel, DI-fusion, demande aux déposants de lui concéder « pour toute la durée légale des droits d’auteur, une licence non exclusive, gratuite et mondiale d’archivage, de reproduction et de communication au public via internet, de son œuvre ».

L’auteur détermine librement et souverainement les modalités dans lesquelles l’œuvre sera communiquée par l’Université : 1) accès public (Internet) pour la totalité de l'œuvre - immédiat ou - après une période d’embargo ; ou 2) accès limité à l'Intranet de l'ULB pour la totalité de l'œuvre ; ou 3) accès bloqué (aucune diffusion de l’œuvre sauf à son auteur déposant).

Ces principes s’inspirent de la « Déclaration de Berlin sur le Libre Accès à la Connaissance en Sciences Exactes, Sciences de la Vie, Sciences Humaines et Sociales qui implique pour les institutions signataires d’encourager les chercheurs à publier leurs travaux selon le principe du libre accès ». Ils sont la meilleure défense des auteurs scientifiques contre les éditeurs qui voudraient leur imposer des contrats qui portent gravement préjudice à leur propriété intellectuelle.

Nous négocions avec les éditeurs scientifiques …
… pour le respect des principes de fair use qui assurent aux auteurs académiques des conditions équitables de publication, de communication et d’accès à l’information scientifique, en leur permettant notamment de déposer librement leurs propres œuvres dans des dépôts thématiques ou institutionnel, en leur donnant ainsi l’impact le plus large et le plus ouvert possible !

Accessoirement, l’auteur, en offrant, quand il le peut, ses publications en open access, augmente ses chances… d’être lu : en raison des politiques tarifaires pratiquées par les éditeurs traditionnels – particulièrement pour les périodiques électroniques –, il est en effet impossible, pour une université, d’acheter les abonnements à toutes les revues dans lesquelles ses propres chercheurs publient !

Alors, pour exercer pleinement votre droit d’auteur à communiquer les résultats de vos recherches, sans entraves, nous vous invitons chaleureusement à déposer le texte de vos articles dans DI-fusion !

(*) La liberté académique au cœur du programme de la liste ACA-Interfac, consulté en ligne le 6 décembre 2009.

Jean-Pierre Devroey, directeur des Archives & Bibliothèques de l'ULB

2 commentaires:

Ishango a dit…

Pour l'avoir testé une première fois en Septembre lorsque la presse en a parlé et une deuxième fois aujourd'hui, l'outil est loin d'être " Open "!

En tant qu'externe ULB, je n'ai pu accéder à aucun article ni thèse. Ces derniers étant en accès restreints et vieux d'il y a 10 ans avec une majorité de thèse.
Bref, on est très loin de ce qui a été annoncé.

Bibliothèques de l'ULB a dit…

Merci pour votre commentaire.

Peut-être n'avez vous pas encore découvert la fonction 'facette' de notre interface de recherche ?

Vous pouvez retrouver les 7615 articles présents dans DI-fusion, dont 1284 ont leur texte complet en accès public - soit près de 17 %, plus que la moyenne - en usant des facettes 'Article' et 'Droits d'accès au fichier' à gauche de l'écran de DI-fusion (http://difusion.ulb.ac.be/) après une recherche sur '*'

Les Archives & Bibliothèques s'impliquent pour (in)former les auteurs, souvent très démunis face à des contrats d'édition inéquitables qui les privent de la plénitude de leurs droits intellectuels.

Les dépôts en OA sont parmi les meilleurs moyens de lutter contre de telles pratiques.