lundi 29 octobre 2012

Open Access @ULB : pistes à suivre !

Jeudi 25 octobre à l’ULB, une quarantaine de personnes ont participé aux échanges très intéressants sur la problématique de l’accès aux publications scientifiques et de l’édition en open access lors de la table ronde sur l’Open Access animée par Jean-Pierre Devroey.

Le premier intervenant, Victor Ginsburgh, a rappelé les dysfonctionnements du marché des publications scientifiques, parus dans une étude réalisée en 2006 pour la Commission Européenne, soulignant notamment que les prix des éditeurs commerciaux sont trois fois plus élevés que ceux des éditeurs non commerciaux, et qu’il y a une corrélation positive entre la concentration des éditeurs par domaine  et les prix élevés…

Du côté des revues en Open Access, trois modèles économiques ont été présentés :
  • Celui de la revue Civilisations, par Joël Noret : version électronique en Open Access sur revues.org avec une barrière mobile de 3 ans, permettant de financer les coûts d’une édition imprimée estimée toujours nécessaire dans ce domaine de recherche (anthropologie). L’auteur ne doit pas payer de frais de publication ;
  • Celui de la revue Belgeo, par Christian Vandermotten : entièrement en Open Access, l’ensemble des coûts d’édition étant supportés par les institutions de recherche qui subsidient la revue. La revue est gratuite tant pour le lecteur que pour l’auteur ;
  • Celui de Frontiers in Psychology, par Axel Cleeremans : une partie des coûts d’édition sont pris en charge par l’auteur qui paie pour avoir son article publié – mais il est toujours possible de demander une exemption.
Pascal Delwit a fait part des 3 raisons principales qui le conduisent à utiliser le dépôt institutionnel de l’ULB, DI-fusion :
  • C’est un outil pratique pour la gestion et l’archivage de ses publications, qui lui permet de retrouver facilement un article qu’il a publié.
  • Il ne lui importe pas seulement d’être publié mais également d’être lu, et les articles sont plus lus s’ils sont plus accessibles. Il constate que l’accessibilité de ses textes dans DI-fusion a un impact positif sur son h-index.
  • Il lui arrive régulièrement d’avoir besoin d’un article dans une revue à laquelle la bibliothèque n’est pas abonnée, et considère que les archives ouvertes facilitent l’accès aux publications.
Pour le Vice-Recteur à la Recherche Pierre Marage, le Dépôt Institutionnel est très important pour la visibilité de l’Université et des chercheurs. Il permet à un public plus large d’avoir accès aux résultats de la recherche scientifique et est aussi un outil démocratique d’accès à la science pour les chercheurs dans des pays défavorisés. Il se dit inquiet, en revanche, envers la publication dans des revues en Open Access, car ce modèle conduit à payer les abonnements aux revues selon le modèle traditionnel et les frais de publication dans les revues Open Access, ce qui amènera à devoir dégager des ressources financières supplémentaires au sein des universités. L’archivage dans le dépôt institutionnel ne va pas, selon lui, inverser la tendance, mais permet néanmoins d’ouvrir l’accès aux publications scientifiques.

D’autres bonnes idées ont émergé des échanges entre les intervenants et avec le public :
  • Introduire dans le dossier d’évaluation du chercheur un critère lié à l’accès à ses publications, à sa sensibilité à la diffusion des résultats de ses recherches. Cette idée était déjà présente parmi les recommandations dans le rapport à la Commission européenne mentionné ci-dessus.
  • Toujours dans le cadre de l’évaluation du chercheur, tenir compte, dans le classement des revues, de l’utilité sociale de la revue, en d’autres termes, du retour sur investissement de la recherche en termes de développement économique et social (accès aux revues et exploitation des résultats par les professionnels (urbanisme, santé etc), par les PME…)
  • Rappeler aux éditeurs en chef, aux comités d’édition et d’évaluation des revues scientifiques, leurs responsabilités en matière de bonne gestion de leur revue et d’éthique : le prix excessif de la revue et l’impact sur l’accès aux articles, le manque de transparence des coûts d’édition, les pratiques de citations parfois imposées par l’éditeur à l’auteur (qui doit reprendre des citations d’autres revues de la même maison d’édition) sont des éléments auxquels les éditeurs scientifiques doivent être vigilants et qu’ils doivent dénoncer le cas échéant !
  • Développer de nouvelles formes de peer review, tels que le forum interactif de discussion entre évaluateurs et auteur(s), ainsi que le système d’évaluation post-publication ouvert, permettant aux lecteurs de contribuer au classement d’un article,  mis en œuvre dans les revues Frontiers…
Autant de pistes à suivre pour ouvrir l’accès aux publications scientifiques… 

A propos, DI-fusion vient tout juste de dépasser les 100 000 références encodées (hors thèses)... mais il y manque encore beaucoup de textes complets pour devenir LA vraie solution au problème de l’accès aux articles des chercheurs de l’ULB publiés dans des revues non consultables à l'ULB !

1 commentaire:

Victor Ginsburgh a dit…

Dans mon intervention, j'ai conclu par trois observations.

(a) Les fusions entre éditeurs sont permises si la part de marché de l'entité fusionnée ne dépasse pas un certain pourcentage (en général 25%), mais les autorités de régulation ne s'intéressent guère aux parts de marché domaine par domaine que ces fusions engendrent et qui leur donnent parfois un pouvoir énorme. Ainsi, dans 7 domaines scientifiques un éditeur à une part de marché comprise entre 40 et 50%, dans 5 autres domaines, cette part se situe entre 50 et 60% et dans 4 domaines elle est supérieure à 60% (ces parts sont calculées en faisant la somme de prix des revues papier dans chacun des domaines). Les autorités régulatrices ne devraient pas accepter de telles concentrations et devraient soit empêcher la fusion tout court, soit imposer aux sociétés fusionnées de céder une part du domaine dans lequel la concentration devient trop importante à un ou plusieurs autres éditeurs qui ne font pas partie de la fusion. Ceci amènerait en principe plus de concurrence, et donc une baisse du pouvoir des éditeurs, et une baisse des prix.

(b) Les bibliothèques paient et les chercheurs utilisent, sans internaliser ce que les bibliothèques paient. Il faudrait d’une manière ou d’une autre qu’ils s’en rendent compte. On peut imaginer que les laboratoires et centres de recherches interviennent en payant aux bibliothèques un prix conventionnel pour les documents et articles que leurs chercheurs téléchargent, ce qui serait une façon indirecte de rémunérer l'open access que les bibliothèques offrent aux chercheurs.

(c) Je ne crois pas à l'open access. C'est un moindre mal et un deuxième choix que l'on a trouvé parce qu'on ne veut pas songer à d'autres solutions, dont celles qui précèdent. L'open access coûte d'une autre façon et il est impensable qu'il ne coûte pas, sinon il ne pourra pas survivre à long terme. En outre, tout chercheur qui a produit un bon article cherche à le publier dans une bonne revue, et les bonnes revues sont les revues existantes. L'open access de ces bonnes revues serait une bonne chose, mais il n'y a aucune raison que ces revues s'y prêtent gratuitement. Mais l'open access des revues nouvellement créées (et dites "open access") ne remplace pas les "bonnes vieilles" revues, dans lesquelles tout chercheur qui se respecte est heureux de publier.

Victor Ginsburgh